La santé mentale des migrants sans assurance médicale, Montréal. Une étude transversale (2016-2017)
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0000-0003-1422-8455Contributrices et contributeurs
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Cycle d'études
Programme
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Mots-clés
- Statut migratoire précaire
- Migrant sans assurance médicale
- Mental health
- Psychological distress
- Health inequalities
- Santé mentale
- Détresse psychologique
- Montréal
- Québec
- Canada
- Inégalités de santé
- Precarious migratory status
- Migrant without medical insurance
Organisme subventionnaire
Résumé
Contexte et importance Au Québec, le nombre de migrants à statut temporaire augmente régulièrement depuis plus de quatre décennies pour atteindre un nombre record en 2022, avec une grande concentration dans la région de Montréal. Les études suggèrent que la migration a un impact sur la santé mentale. Cependant, au Canada, il y a très peu d’études sur la santé mentale des migrants sans assurance médicale (MSAM). Parmi les migrants qui ne sont pas admissibles à l’assurance médicale publique (RAMQ), certains possèdent un statut légal autorisé mais temporaire (travailleurs étrangers temporaires, visiteurs, étudiants internationaux) et d’autres sont sans statut autorisé. Le présent mémoire discute de la détresse psychologique (DP) des MSAM, au Québec, en s’appuyant sur l’analyse de données issues d’une recherche interventionnelle sur la santé et l’accès aux soins de santé des MSAM réalisée à Montréal. Méthodes et résultats Une enquête transversale a été menée à Montréal, Québec, auprès de 806 personnes âgées de plus de 18 ans et ayant déclaré être migrant international, résidant au QC et être sans assurance médicale. L’objectif principal de cette recherche était de mesurer et comprendre l’état de santé et l’accès aux soins des MSAM résidant à Montréal. Deux types de recrutement ont été mis en œuvre de juin 2016 à septembre 2017 – le premier était de type populationnel, principalement dans les espaces publics de la ville de Montréal, tandis que l’autre s’est déroulé à la ‘clinique migrants’ de l’organisation Médecins du Monde (MdM). Pour le premier type, les méthodes ont mêlé échantillonnage de commodité basé sur les lieux (centres communautaires, églises), méthode dite de boule de neige et plusieurs campagnes de communication dans les médias locaux et communautaires. Dans notre étude, la variable dépendante d’intérêt est la DP mesurée grâce à l’échelle de Kessler. Sur la base des données, 26.3 % (N = 192/731) de notre échantillon souffrent d’une DP sévère (scores de Kessler 13+). Les variables suivantes sont associées de façon significative à une augmentation de la probabilité de souffrir d’une DP sévère : le genre (les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes de souffrir de DP sévère (RC : 2.014, IC : [1.322-3.070]) ; la crainte d'être confronté à la police (RC : 2.87, IC : [1.53-5.41]) ; le revenu insuffisant (RC : 2.114, IC : [1.198-3.730]) ; une perception négative de sa santé (RC : 3.95, IC : [1.68-9.33]) et les besoins de santé non comblés (RC : 2.070, IC : [1.267-3.384]). Le fait de bénéficier d'un soutien social (avoir quelqu'un avec qui partager ses inquiétudes) est associé de manière significative à une réduction de 40 % du risque de DP sévère (RC : 0.603, IC [0.382-0.952]). Avoir déclaré un revenu insuffisant augmente significativement le risque de DP pour les femmes (RC : 2.296, IC : [1.144-4.610]), mais pas pour les hommes (RC : 0.570, IC : [0.229-1.419]). La DP est plus prononcée chez les migrants sans statut autorisé. Une stratification des données révèle que la probabilité d’une DP sévère est significativement plus élevée parmi les migrants sans autorisation par rapport aux migrants ayant un statut autorisé en raison de besoins de soins non satisfaits (RC : 2.924 contre 1.834), d'une auto-perception négative de la santé (RC : 6.294 contre 3.268), et de la peur de rencontrer la police (RC : 4.424 contre 2.372). Conclusion : Dans une optique de santé publique et de réduction des inégalités sociales de santé, il nous paraît crucial de mettre en place des politiques de santé publique inclusives afin d'améliorer l'accès aux soins et de réduire les enjeux liés à la santé mentale parmi tous les migrants résidant à Montréal, et ce, indépendamment de leur statut migratoire.
Background and significance In Quebec, the number of migrants with temporary status has been rising steadily for over four decades, reaching a record number in 2022, with a high concentration in the Montreal region. Studies suggest that migration has an impact on mental health. However, in Canada, there are very few studies on the mental health of migrants without medical insurance (MSAM). Among migrants who are not eligible for public health insurance (RAMQ), some have authorized but temporary legal status (temporary foreign workers, visitors, international students), and others have no authorized status. This brief discusses psychological distress (PD) among MSAMs, Quebec, based on analysis of data from an interventional research study on MSAM health and access to healthcare conducted in Montreal. Methods and results A cross-sectional survey was conducted in Montreal, Quebec, among 806 people over 18 years of age who declared themselves to be international migrants, residing in QC and without medical insurance. The main objective of this research was to measure and understand the health status and access to care of MSAM residing in Montreal. Two types of recruitment were implemented from June 2016 to September 2017 - the first was population-based, mainly in public spaces in the city of Montreal, while the other took place at the Médecins du Monde (MdM) organization's ‘migrant clinic’. For the first type, the methods mixed location-based convenience sampling (community centers, churches), a snowball method, and several communication campaigns in local and community media. In our study, the dependent variable of interest is PD, measured using the Kessler scale. Based on the data, 26.3% (N= 192/731) of our sample suffer from severe PD (Kessler scores 13+). The following variables were significantly associated with an increased likelihood of suffering from severe PD: gender (women were twice as likely as men to suffer from severe PD (OR: 2.014, CI: [1.322-3.070]); fear of confrontation with the police (OR: 2.87, CI: [1.53-5.41]); insufficient income (OR: 2.114, CI: [1.198-3.730]); a negative perception of one's health (OR: 3.95, CI: [1.68-9.33]) and unmet health needs (OR: 2.070, CI: [1.267-3.384]). Having social support (having someone to share concerns with) is significantly associated with a 40% reduction in the risk of severe PD (OR: 0.603, CI [0.382-0.952]). Having reported insufficient income significantly increased the risk of PD for women (OR: 2.296, CI: [1.144-4.610]), but not for men (OR: 0.570, CI: [0.229-1.419]). PD is more pronounced among migrants without authorized status. Stratification of the data reveals that the likelihood of severe PD is significantly higher among migrants without authorization compared to migrants with authorized status due to unmet care needs (OR: 2.924 vs. 1.834), negative self-perception of health (OR: 6.294 vs. 3.268), and fear of encountering the police (OR: 4.424 vs. 2.372). Conclusion: From a public health perspective and to reduce social inequalities in health, we believe it is crucial to implement inclusive public health policies to improve access to care and reduce mental health issues among all migrants residing in Montreal, regardless of their migratory status.