Le cadrage médiatique de la violence dans les manifestations contre la réforme des retraites en France, de janvier à juin 2023
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Mots-clés
- Cadrage
- Médias
- Frame sponsorship
- Frame sponsorship
- Manifestations
- Police
- Violence
- Retraites
- France
- Sources
- Media framing
- Demonstration
Organisme subventionnaire
Résumé
Le cadrage médiatique est un concept récurrent des études médiatiques. Appliqué à l’analyse de la couverture médiatique de questions précises, il permet de comprendre la manière dont les journalistes présentent les informations de manière sélective, façonnant par là une certaine image de la réalité. Le cadrage médiatique a donc le potentiel d’influencer la compréhension publique des évènements couverts. Cette caractéristique en fait un paradigme de recherche particulièrement approprié à l’analyse du traitement médiatique des mouvements sociaux, puisque ceux-ci dépendent fortement d’une perception et d’un soutien public favorables. Ce mémoire propose une analyse du cadrage médiatique des violences liées au mouvement social de 2023 contre la réforme des retraites en France. L’analyse s’appuie sur une méthodologie d’identification systématique de cadres textuels en deux temps. Lors de l’étape inductive, une analyse qualitative a été employée pour identifier et définir les cadres présents dans un échantillon de textes réduit. Ces définitions ont ensuite été appliquées au reste du corpus lors de l’étape déductive. Une attention particulière a également été portée à la présence et au traitement des sources médiatiques comme le signe d’une lutte pour la promotion des cadres. Les articles sélectionnés sont issus de cinq journaux français à forte diffusion : Le Figaro, Le Monde, Libération, Le Parisien/Aujourd’hui en France et Ouest France. L’analyse a permis d’identifier trois cadres concurrents : le cadre de la « violence gratuite », qui présente la violence manifestante comme l’œuvre de groupuscules radicaux motivés par la destruction comme fin en soi, le cadre de la « violence policière », qui souligne l’aspect illégitime et injustifié des actions des forces de l’ordre et les relie à des causes systémiques, et le cadre de la « violence réactive », qui présente la violence manifestante comme une réaction justifiée bien qu’inadéquate au comportement du gouvernement et des forces de l’ordre. Le premier cadre, qui condamne et marginalise les manifestants violents, domine largement la couverture médiatique du mouvement. Ces résultats illustrent l’ancrage de la conception wébérienne de la violence légitime comme monopole d’Etat dans le discours politique et médiatique français. Bien qu’elle reste minoritaire, la présence des deux autres cadres indique cependant une remise en question émergente de cette notion, accompagnée d’une visibilité croissante de la question des violences policières.
Media framing is a popular concept in media studies. Applied to the analysis of media coverage of specific issues, it allows researchers to understand how journalists selectively present information, thereby shaping a certain image of reality. Media framing therefore has the potential to influence public understanding of the events covered. This characteristic makes it a particularly appropriate research paradigm to analyse the coverage of social movements, since these depend heavily on favourable public perception and support. This thesis proposes an analysis of the media framing of the violence linked to the 2023 social movement against pension reform in France. The analysis is based on a methodology of systematic identification of textual frames in two stages. In the inductive stage, a qualitative analysis was used to identify and define the frames present in a small sample of texts. These definitions were then applied to the rest of the corpus during the deductive stage. Particular attention was also paid to the question of media sources as a sign of a struggle for frame sponsorship. A selection of articles was taken from five major French newspapers: Le Figaro, Le Monde, Libération, Le Parisien/Aujourd'hui en France and Ouest France. The analysis identified three competing frames: the ‘gratuitous violence’ frame, which presents protest violence as the work of radical groups motivated by destruction as an end in itself; the ‘police violence’ frame, which emphasises the illegitimate and unjustified nature of the police’s behaviour and ties it to systemic causes; and the ‘reactive violence’ frame, which presents protestor’s violence as a justified if inadequate reaction to the behaviour of the government. The first frame, which condemns and marginalises violent demonstrators, largely dominated media coverage of the movement. These results show that the Weberian concept of legitimate violence as a monopoly of the state is firmly entrenched in French political and media discourse. However, the presence of the other two frames also points to emerging challenges to this notion, accompanied by a growing visibility of the issue of police violence.