L’incohérence du mécanisme de renvoi de situations à la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité Plaidoyer pour une implication de l’Assemblée générale des Nations Unies et de la Cour internationale de justice
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0009-0006-4748-6345Contributrices et contributeurs
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Mots-clés
- Mécanisme de renvoi
- Cour pénale internationale
- Conseil de sécurité des Nations Unies
- Assemblée générale des Nations Unies
- Cour internationale de justice
- Referral Mechanism
- International Criminal Court
- UN Security Council
- UN General Assembly
- International Court of Justice
Organisme subventionnaire
Résumé
Le contexte de polycrises actuellement traversé par la société internationale marque un tournant décisif pour le multilatéralisme et les organisations internationales. Galvanisée par une volonté de transformation et de revitalisation, la Famille des Nations Unies, par son aura et son mandat, se positionne comme une actrice clé susceptible de contrecarrer le repli sur soi et la montée du populisme qui rongent les efforts multilatéraux. Parmi ces crises figure celle des droits humains caractérisée par l’intensification de leur violation. Cette situation appelle une réponse forte des États et de la communauté internationale et rend compte de la nécessité impérieuse de rendre justice et de combattre l’impunité. Partant du postulat que l’activité judiciaire de la Cour pénale internationale (CPI) constitue l’une des consécrations pratique de ce besoin de justice, la recherche est destinée à en renforcer les contours. Première juridiction internationale pénale permanente, la CPI s’est développée ces 20 dernières années dans un climat complexe marqué, notamment, par des limites financières, par un manque de coopération des États, par des attaques directes adressées par des États puissants à l’encontre du personnel, par des remises en question de la politique suivie par le Procureur et, surtout, par la persistance des conflits et des violations massives des droits humains. Associée à la diffusion et à la communication à grande échelle des atrocités à travers le monde dues à l’amélioration technologique, la pression pesant sur la CPI, quant au fait de juger les responsables de ces dernières, se fait ressentir de manière constante et indéniable. En tant qu’oeuvre compromissoire en raison de sa nature conventionnelle, le Statut de Rome est le produit de concessions consenties par les États pour que la CPI voie le jour, et ce, en particulier à travers la délimitation de la compétence ordinaire de la Cour. Sujette au sacro-saint principe du consentement étatique, la CPI voit l’accès à son prétoire limité et certaines situations, a priori, insusceptibles de sa justice. Un mécanisme existe, toutefois, bel et bien pour permettre à la Cour de juger des situations où tant les responsables des crimes de masse que le lieu de leur commission relèvent d’États refusant la compétence de cette juridiction : le mécanisme extraordinaire de renvoi par le Conseil de sécurité prévu à l’article 13(b) du Statut de Rome. Souvent oublié, tant sa mise en oeuvre est moindre (deux fois) et ancienne (2005 et 2011), ce mécanisme a, pourtant, un certain potentiel en levant l’impératif du consentement étatique pour que le Procureur de la CPI puisse ouvrir un examen préliminaire voire une enquête. Il s’inscrit ainsi dans la palette des outils et instruments susceptibles de renforcer la lutte globale contre l’impunité. Son utilisation précaire, voire désuète, laisse cependant la littérature et les observateurs perplexes quant à son intérêt. Cette recherche propose, premièrement, une explication à cette insuffisance : l’incohérence interne du mécanisme due à la concomitance d’une norme procédurale et d’une norme matérielle répondant à deux idéaux-types opposés. Or, cette incohérence empêcherait le mécanisme d’atteindre l’expression de son plein potentiel et, in fine, de devenir un outil efficace en faveur de la lutte globale contre l’impunité pour, au contraire, être le vecteur d’un « fossé d’impunité ». Deuxièmement, cette recherche propose des solutions pour retrouver la cohérence interne manquée et encourager l’utilisation du mécanisme, en prenant appui sur les efforts contemporains favorables à la transformation de la gouvernance mondiale. Guidées par l’impératif pragmatique, dont la traduction principale est le rejet de toute révision de la Charte des Nations Unies, les options envisagées suggèrent de repenser le renvoi en faisant appel à deux organes onusiens souvent invisibilisés : l’Assemblée générale et la Cour internationale de justice.
The multi-crisis context currently facing international society marks a decisive turning point for multilateralism and international organizations. Driven by a desire for transformation and revitalization, the United Nations Family, by virtue of its aura and mandate, is positioning itself as a key player capable of counteracting the isolationism and rising populism that are undermining multilateral efforts. Among these crises is the escalating human rights situation characterized by widespread violations. This calls for a robust response from States and the international community, emphasizing the urgent need to deliver justice and fight impunity. Assuming that the judicial activity of the International Criminal Court (ICC) constitutes one of the practical consecrations of this need for justice, the research is intended to reinforce its role. As the first permanent international criminal tribunal, the ICC has evolved over the past two decades in a complex environment marked by financial constraints, insufficient state cooperation, direct attacks on its staff by powerful States, criticisms of the policy followed by the Prosecutor and, most significantly, the persistence of conflicts and mass human rights abuses. Combined with the widespread dissemination and communication of atrocities around the world due to technological improvements, pressure on the ICC to hold perpetrators accountable is constant and undeniable. The Rome Statute, as a compromise by virtue of its conventional nature, is the product of concessions made by States to bring the ICC to birth, in particular through the delimitation of the Court’s ordinary jurisdiction. Bound by the sacrosanct principle of state consent, the ICC’s access to its courtroom is limited, and certain situations are a priori ineligible for its justice. A mechanism does exist, however, to enable the Court to judge situations where both the perpetrators of mass crimes and the place where they were committed are located in States refusing the jurisdiction of this court: the extraordinary mechanism of referral by the Security Council under article 13(b) of the Rome Statute. This mechanism is often overlooked, as it has been used less frequently (twice) and for a limited period of time (2005 and 2011). However, it does have potential, as it removes the requirement of State consent for the ICC Prosecutor to open a preliminary examination or even an investigation. It is one of a range of tools and instruments likely to strengthen the global fight against impunity. Its precarious, even obsolete use, however, leaves the literature and observers perplexed as to its relevance. This research provides an explanation for this inadequacy: the mechanism’s internal incoherence, due to the concomitance of a procedural norm and a material norm responding to two opposing ideal-types. This incoherence would prevent the mechanism from reaching its full potential and, ultimately, from becoming an effective tool in the global fight against impunity, instead becoming the vector of an “impunity gap”. Moreover, this research suggests ways of restoring the mechanism’s internal coherence and encouraging its use, building on contemporary efforts to transform global governance. Guided by the pragmatic imperative, whose main translation is the rejection of any revision of the UN Charter, the options considered advocate rethinking the referral by calling on two often-invisibilized UN bodies: the General Assembly and the International Court of Justice.