Vidéo Femmes : fragments d'un héritage féministe (1973-1993) : une recherche-création pour réactiver et mettre en récit les archives cinématographiques féministes en ligne

Abstract

Si les nombreux travaux féministes en histoire du cinéma ont contribué à dénoncer les inégalités de genre dans le champ de la critique et de la production cinématographique au Québec (Carrière, 1983; Denault, 1997; Lamartine, 2010, Armatage & al., 1991, Marchessault, 1995; Contogouris, Ravary-Pilon, 2022; Saint-Pierre, 2022; Maule, 2023), rares sont les recherches qui se sont intéressées à la production vidéographique féministe et particulièrement aux legs laissés par ces nombreux collectifs de vidéastes. Au début des années 1970, la vidéo est considérée comme un « instrument », à la fois témoin et acteur d’une époque riche sur les plans historique, culturel et artistique. C’est un outil dont les utilisations sont particulièrement variées, mais qui deviendra rapidement un médium de prédilection pour les femmes et les féministes souhaitant revendiquer un espace de création politisé et s’émanciper d’une industrie cinématographique alors largement dominée par les hommes (Duguet, 1981; Ross, 1984; Marchessault, 1995; Fleckinger, 2011). Cette recherche-création consiste en une réactivation numérique d’un corpus d’archives cinématographiques peu reconnu par l’histoire nationale. Cette diffusion d’archives a pris la forme d’un dossier thématique en ligne publié sur la plateforme numérique de la Cinémathèque québécoise (CQ). Le dossier thématique « Vidéo Femmes : fragments d'un héritage féministe (1973-1993) » (disponible également en version anglaise) présente au public une mise en récit des premières années de Vidéo Femmes (VF) à partir de certaines des archives du collectif (œuvres vidéo, extraits de films, retranscriptions d’entretiens avec les réalisatrices, photographies et affiches). Cette recherche met en lumière, l’importance historique des œuvres produites par Vidéo Femmes (1973-2015), dont l’immense catalogue trop peu connu témoigne des luttes féministes et plus largement des explorations formelles et créatives des femmes au Québec. Misant sur une méthodologie de recherche-création (Sawchuk et Chapman, 2012) ancrée dans une pratique de collecte de sources orales (Baillargeon, 1993) mise en relation avec une théorie féministe sur les archives numériques (Juhasz, 2006 ; Bociurkiw, 2018 ; Wernimont, 2019), cette recherche participe à approfondir notre réflexion sur le potentiel critique des archives cinématographiques féministes et a pour ambition de favoriser, plus largement, l’émergence de nouvelles formes de réflexivité dans un contexte patrimonial. A growing body of feminist film history research has critically analyzed gender inequalities in film criticism and production in Quebec (Carrière, 1983; Denault, 1997; Lamartine, 2010, Armatage & al., 1991, Marchessault, 1995; Contogouris, Ravary-Pilon, 2022; Saint-Pierre, 2022; Maule, 2023). However, the legacy of feminist video production, and more specifically women’s video collectives, has received far less attention. From the early 1970s, video was considered an “instrument” that was both witness and agent in a dynamic political and cultural moment in Quebec. While early video was a used for multiple purposes across varied contexts, the medium was rapidly taken up by women seeking to forge a creative space apart from the Quebec film industry widely dominated by men at the time (Duguet, 1981; Ross, 1984; Marchessault, 1995; Fleckinger, 2011). This research-creation thesis brings together a creative digital reactivation of the archive of Video Femmes (a women’s video collective established in Quebec City in 1973), with a written thesis. The creative project takes the form of a thematic dossier published on the digital platform of the Cinémathèque Québécoise (CQ) since June 2024. Entitled « Vidéo Femmes: fragments d'un héritage féministe (1973-1993), » the dossier addresses the early years of Vidéo Femmes (VF) through selected archives including video works and excerpts, transcriptions of interviews with the filmmakers, photographs and posters. My research highlights the historical importance of the works produced by Vidéo Femmes (1973-2015), notably the collective’s extensive and little-known catalogue that engages with second wave feminist activism in Quebec and attests to the formal and thematic explorations of early women’s video in Quebec. Developed through a research-creation approach (Sawchuk et Chapman, 2012), this thesis is grounded in oral sources that are set in relation with feminist scholarship and practices of digital archiving (Juhasz, 2006 ; Bociurkiw, 2018 ; Wernimont, 2019). This study contributes to research on the critical potential of feminist cinematic archives, and has the broader ambition of encourage new practices of reflexivity in relation to cultural archives.