Faculté des arts et des sciences – Département des littératures de langue française - Thèses et mémoires
URI permanent de cette collectionhttps://hdl.handle.net/1866/2996
Cette collection présente les thèses et mémoires des étudiant.e.s du Département des littératures de langue française de l'Université de Montréal.
1990 - : Couverture exhaustive (quelques titres manquants)
avant 1990 : Période non couverte ou couverture partielle
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Item Embargo Corps créature, corps créateur : paradoxes de l'androgynie dans Bonaventure de Bona de Mandiargues, suivi de Il y a de la lave sous toute ma neigeHuynh, Héloïse; Oberhuber, Andrea (2024-08)Dans l’essai qui suit, je me penche sur la notion d’androgynie telle qu’elle est cristallisée dans Bonaventure, oeuvre intermédiale et autobiographique de la surréaliste Bona de Mandiargues. À travers le prisme des théories du genre de Judith Butler, de la notion d’ethos discursif de Ruth Amossy et des écrits féministes de Camille Froidevaux-Metterie et de Whitney Chadwick, je relèverai, dans un premier temps, les traces d’un rapport paradoxal à la féminité dans l’oeuvre : le corps féminin est à la fois mis à mal et idéalisé dans les entrées lexicales, tandis que des êthê masculin et féminin adoptés par la créatrice s’entrechoquent. Par la suite, je montrerai comment l’androgynie est envisagée comme solution qui lui permet d’habiter pleinement son corps : son déploiement, à travers, notamment, la figure de l’escargot et la grossesse, sera analysé en détail, tout comme ses incohérences issues du paratexte. Il y a de la lave sous toute ma neige est un carnet photolittéraire qui, comme Bonaventure, est marqué par l’intermédialité, l’imaginaire surréaliste et la problématique du corps féminin. Il est question du coming of age d’un je féminin qui, dans une première partie marquée par la couleur blanche, est hantée par un désir de disparition, de dissolution causé par des forces archétypales qui l’aliènent. Dans la seconde partie, marquée par la couleur rouge, elle entreprend un voyage initiatique dans un territoire inspiré par le Brésil, à travers lequel elle explore l’univers sensoriel tropical et se découvre un corps féminin habitable.Item Accès libre Psychose et création dans Pour en finir avec le jugement de Dieu d’Antonin ArtaudBienvenu, Sandrine; Oberhuber, Andrea (2024-08)Pour en finir avec le jugement de dieu est une émission radiophonique d’Antonin Artaud, enregistrée en 1947 puis publiée sous forme de texte en 1948, dans laquelle on retrouve un sujet, le « je » du texte, qui présente plusieurs caractéristiques associées aux troubles psychotiques. On peut le constater non seulement par l’opacité du langage dans les fragments glossolaliques, mais aussi par le fractionnement identitaire de la voix narrative et par la thématique du démembrement du corps qui traverse toute l’œuvre. Par ailleurs, le traitement du son – soit les effets de voix et l’utilisation de la musique – participe aussi à l’impression de perte de contact avec le réel qui se dégage de l’œuvre. Or, cette voix narrative oscille entre des moments de psychose et des moments d’extrême lucidité, ce qui mène à croire que le texte ne cherche pas à représenter de véritables épisodes psychotiques, mais que ceux-ci serviraient plutôt à mettre en évidence une certaine conception de la création artistique dans laquelle la psychose, ou du moins un état de transe qui se rapproche de la psychose, joue un rôle essentiel. En effet, le « je », précisément parce qu’il peut accéder à cet état de transe, est présenté comme le seul qui parvient à se libérer non seulement de tous les interdits et de toutes les valeurs imposées par les sociétés occidentales, mais aussi de sa conscience et, plus concrètement, du logocentrisme. Sorte de clairvoyant et de prophète, le « je » est donc celui qui pourrait réellement « en finir avec le jugement de dieu » et peut-être réussir à mettre en œuvre le projet de théâtre de la cruauté élaboré dans le recueil d’essais Le théâtre et son double. Dans un acte de résistance aux grandes institutions des sociétés occidentales – à savoir le capitalisme, la religion, la psychiatrie et la science –, Artaud opère une revalorisation de certains comportements traditionnellement attribués à la psychose, faisant de celle-ci une posture de création plutôt qu’un diagnostic médical.Item Accès libre Vers un renouvellement des formes d'attention : regard et écoute dans les dispositifs scéniques de Philippe QuesneMary, Zoé; Bovet, Jeanne; Gros de Gasquet, Julia (2025-04)À travers la pratique du metteur en scène français Philippe Quesne, cette recherche explore la façon dont certaines dramaturgies contemporaines travaillent et reconfigurent la question de l’attention, à l’heure même de sa potentielle mise en crise. Dans des pièces comme La Mélancolie des dragons, Swamp Club ou La Nuit des taupes, la mise en scène soustrait d’abord quelque chose aux attributs traditionnels de la représentation théâtrale (la dextérité vocale, l’aisance corporelle, l’individualisation des interprètes, et parfois l’usage du langage articulé), redistribuant l’écoute et le regard du public entre les différents éléments du dispositif scénique. Le conflit dramatique fait place à une mise en scène de l’entente (aux sens propre et figuré) qui privilégie la cohabitation à la confrontation : les interactions entre les communautés humaines, non-humaines et l’écosystème qu’elles habitent constituent le moteur et le sujet des spectacles. Ces petits mondes évoluent par ailleurs dans des topoï donnés (grottes, parcs et vivariums), dispositifs dans le dispositif qui orientent et interrogent notre attention sur ses propres mécanismes. Espaces d’hypervisibilité et d’hyperauditivité pour les uns, lieux de mirages sonores et d’apparitions pour les autres, tous offrent la possibilité de jouer de frictions et disjonctions entre le son et l’image, le vu et l’entendu, encourageant le public à exercer son écoute et son aptitude au montage. Dans les créations du Vivarium Studio, l’attention oscille entre des dynamiques de grossissement et de prise de recul. Le public aux aguets adopte une posture à la fois ouverte et investigatrice qu’incarne le modèle du spectateur entomologiste. Parfois prise au piège par la profusion de détails, de micro-évènements visuels et sonores, l’attention montre une tendance à la défocalisation et à l’acentrement qui correspond aussi bien aux dynamiques de la composition paysagère qu’à celles des peintures de la renaissance flamande dont Philippe Quesne fait l’une de ses sources d’inspiration. Cette recherche invite donc à considérer la manière dont certains·es artistes contemporains·es utilisent la dispersion de l’attention comme moyen de performer la complexité d’un monde fragmenté, produisant ce que Jonathan Crary désigne sous le terme de « contre-formes » d’attention. La mise en regard de ces pratiques et de certains concepts et modèles attentionnels historiques comme la dispersion (opposée par William James à la concentration), l’attention flottante freudienne, la réception en état de distraction chez Walter Benjamin, ou plus récemment encore, l’inattention sélective définie par Richard Schechner, nous aide à appréhender l’originalité de ces démarches dans leur capacité à réinventer les modes d’attention du public.Item Accès libre L'écriture du quotidien comme soin dans Les heures longues de Colette et Auprès des blessés de Renée d'UlmèsGentet-Reiher, Claudia; Oberhuber, Andrea (2024-08)Ce mémoire porte sur deux textes écrits durant la Première Guerre mondiale : Les heures longues de Colette, des articles journalistiques parus entre 1914 et 1917 et Auprès des blessés de Renée d’Ulmès, le journal intime fictif d’une infirmière de guerre. Toutes deux infirmières bénévoles durant le conflit, les autrices proposent des récits expérimentés et subjectifs. Elles observent le travail de soin effectué par les infirmières, leur sollicitude face aux blessés et témoignent de la solidarité entre les femmes. Le « prendre soin » d’autrui (Brugère, 2021) est placé au cœur des deux œuvres littéraires à l’étude. À l’aide des éthiques du care, l’objet de ce travail de recherche est de montrer comment l’écriture agit comme « soin » en faveur d’une nouvelle image des femmes à l’arrière, en montrant leur dévouement et leur courage, et s’apparente à une sollicitude à l’égard du lectorat en permettant de ramener l’attention vers des éléments concrets, parfois banals de la guerre. En identifiant des éléments d’une poétique du care, dans la foulée de travaux de Snauwaert, Hétu et Gefen, on verra comment les autrices parviennent à détourner l’attention des horreurs pour la faire dévier vers des aspects pratico-pratiques, le renouveau du lien humain en temps de guerre et la solidarité entre soignant.e.s., d’une part, et entre pourvoyeur.se.s de care et patient.e.s.Item Embargo L'éléphant de St-Exupéry suivi de Transgresser et interrompre : les jeux dans Vingt-cinq poèmes (1918) de Tristan Tzara et Hans ArpForget, Benjamin; Oberhuber, Andrea; Mavrikakis, Catherine (2024-08)Ce mémoire en recherche-création questionne la porosité entre les notions de jeu et de littérature. Intitulée L'Éléphant de St-Exupéry, la partie « création » du mémoire propose une série de poèmes-graphiques qui cherche à exhiber le double-aspect ludique de l’objet littéraire : celui de créer et celui de lire. Les poèmes sont le fruit d’une écriture sous contrainte à la frontière du texte et de l'image, c’est-à-dire d’un processus de recyclage textuel où, partant d’un poème existant dans l’œuvre, chaque lettre est manipulée individuellement pour créer des compositions à la fois visuelles et textuelles, de manière à défier les conventions de lecture traditionnelles. Plus généralement, l'œuvre expose l’artificialité de l’opposition « sérieux/jeu », tout en mettant en avant une réflexion sur la matérialité des lettres, la perception du sens, et la liberté créative. La partie « essai » explore, à la lumière de la notion de « jeu », le recueil illustré Vingt-cinq poèmes (1918) de Tristan Tzara et Hans Arp, une œuvre emblématique du mouvement dadaïste à Zurich. Débutant par une réflexion sur la nature ludique de la littérature, l’essai est structuré en trois parties : la première examine la spontanéité associée au dadaïsme, en particulier son lien avec l'enfance et le concept de paidia (jeu spontané), en se référant aux théories de Donald W. Winnicott et Roger Caillois. La deuxième partie analyse le jeu dans l’œuvre par le biais des transgressions des normes littéraires et éditoriales opérées par Tzara et Arp, ceux-ci faisant leur jouet de toutes les règles et conventions. Enfin, la troisième partie explore les multiples interruptions qui se rencontrent à travers diverses techniques textuelles et graphiques qui perturbent la lecture, tout en permettant une distance d’où s’apprécie le geste de lecture. Le jeu, bien qu'il ne soit pas le sujet principal des poèmes, constitue une dimension essentielle pour comprendre la matérialité de l’objet hybride qu’est Vingt-cinq poèmes.Item Accès libre Construction de la masculinité et grammaticalisation du genre dans le Roman de SilenceSavard-Arseneault, Adrien; Gingras, Francis (2024-05)Ce mémoire traite du Roman de Silence, un roman en vers octosyllabliques de la deuxième moitié du XIIe siècle. En raison d’un décret royal empêchant aux femmes d’hériter, le personnage titulaire sera élevé en homme par ses parents, en dépit de son sexe féminin. Tout au long du texte, le narrateur et les autres personnages utiliseront le genre grammatical masculin pour Silence. Malgré le discours abondant que le roman a généré depuis son édition en 1972, la littérature critique ne s’entend pas sur les pronoms à utiliser pour désigner le personnage de Silence. Une majorité des critiques opte pour des pronoms et des accords féminins, un choix qui évacue des questions, centrales au texte, d’attribution sociale et culturelle du genre. L’usage de pronoms masculins par la critique s’ancre à l’occasion dans une conception du personnage de Silence comme un homme transgenre, laquelle demeure peu en phase avec la conception du genre dans l’Europe du Moyen Âge central. Ce mémoire a pour objectif premier d’examiner le système de référence déployé dans le Roman de Silence. En relevant chacun des désignateurs utilisés pour Silence dans le roman, je m’intéresserai à la tension entre les données biologiques sexuées inscrites sur le corps de Silence (sa « nature ») et le projet d’éducation genrée de ses parents (sa « norreture »). J’examinerai la manière dont cette tension s’exprime dans la langue du texte, de la conception du personnage jusqu’à la « descoverture » finale de son sexe. Je tâcherai ensuite de replacer les désignateurs dans leur contexte sociohistorique et narratif. Finalement, en envisageant le Roman de Silence comme un roman didactique, je considérerai les débats qui jalonnent le récit comme autant d’outils proposés par le texte pour répondre à ses propres questions. Au terme de cette recherche, j’espère proposer un système de référence cohérent pour le personnage, à la fois dans la critique et dans les traductions.Item Embargo Roman vivant. La performance dans les romans biographiques de Jean Echenoz, suivi de Jeux d’hiverVaillancourt, Jean-François; Legendre, Claire (2024-08)La partie recherche de ma thèse s’intéresse à la dimension performative de la lecture romanesque à partir des romans biographiques de Jean Echenoz. J’interroge d’abord des auteurs qui ont pensé la performance en littérature à partir de l’exemple de relations humaines avec les animaux, notamment Michel Leiris et la philosophe Elisabeth de Fontenay. Cette relation à l’autre permet de comprendre la performance comme un état physiologique du corps lorsqu’il devient le médium de l’expression d’un autre que soi, rendu possible en littérature grâce à la matérialité de la voix intérieure, en tant que lieu d’échange par lequel le monde extérieur peut s’introduire en soi et s’exprimer du fond de soi. Les romans biographiques de Jean Echenoz tirent beaucoup de force de cette dimension performative. Évoquant la voix de son défunt éditeur, interprétant la musique de Ravel, s’appropriant la course de Zatopek et calquant l’imagination de Tesla, ce sont bien des formes concrètes de l’expression de ces personnes réelles qu’Echenoz donne à se manifester, à travers ses personnages, dans la performance de la lecture. La partie création est une tentative de jouer avec la dimension performative d’une autre forme d’art que la littérature – la musique –, à partir de ma pratique d’auditeur amateur. L’histoire se déroule sur quatre jours, en Norvège, durant les Jeux olympiques d’hiver de Lillehammer en février 1994. L’intrigue s’inspire librement des faits divers que constituent le vol du Cri d’Edvard Munch à la Galerie nationale d’Oslo et le lancement d’un album culte du groupe de black métal Darkthrone. Cette fiction mélange les codes du roman noir et de l’exofiction dans une démarche d’écriture fascinée par la distance, l’inquiétante étrangeté, la difficulté de s’exprimer et l’archive populaire. Concaténation d’objets préfossilisés de l’histoire récente (culture underground, mégalomanie olympique, début de l’ère pétrolière norvégienne, mondialisation), il s’agit moins d’une mise à distance critique de l’histoire que d’une tentative de récupération : fouiller les ruines, les vidanges et le prêt-à-jeter pour réutiliser, lâcher prise, jouer et faire sonner tout en même temps.Item Accès libre L’écriture du voyage dans les longs romans de l’abbé PrévostStout, Erik; Dionne, Ugo; Despoix, Philippe (2024-08)Les études consacrées aux romans de l’abbé Prévost s'accordent généralement sur le fait que les divers lieux parcourus par ses personnages forment le décor conventionnel de récits consacrés prioritairement à l'exploration du cœur humain. Les nombreux voyages effectués ne seraient donc qu’un élément secondaire par rapport à l'exploration morale qui structure ses écrits. Un tel consensus paraît d'autant moins contestable que Prévost décrit souvent des contrées où il n'est jamais allé et sur lesquelles il ne s'est pas toujours longuement documenté. Sans nier la dimension conventionnelle des cadres géographiques exploités par Prévost, cette étude vise à démontrer que le thème du voyage est un élément crucial pour comprendre sa poétique ainsi que la visée morale de ses romans. Plus précisément, nous postulons que la narration de ses romans est prise en charge par un « voyageur récalcitrant », personnage qui se déplace constamment, de manière généralement volontaire, tout en incarnant une critique de la conception classique du voyage pédagogique. Il existe en effet chez les personnages de Prévost une oscillation entre un discours qui prétend ne vouloir que calme et repos et des actions qui traduisent une recherche perpétuelle du mouvement et de la nouveauté. Cette tension finit généralement par mener à un déraillement du voyage. À ce titre, la figure du voyageur récalcitrant va à l’encontre de l’idée de progrès traditionnellement associée à la notion de voyage sous l'Ancien Régime.Item Accès libre Philoxène suivi de Philoxène Boyer. Une conquête de l'inutileFillion, Arnaud; Legendre, Claire; Vachon, Stéphane (2025-03)Ce mémoire cherche à poser une réflexion sur l’appropriation de faits réels dans un cadre fictionnel. Pour ce faire, je me suis penché sur le cas d’un écrivain particulier, du nom de Philoxène Boyer, dont ni l’œuvre ni la vie ne sont passées à la postérité. J’ai écrit une biographie fictionnelle de Philoxène Boyer d’après l’unique biographie dédiée à cet homme, intitulée Philoxène Boyer. Un sale ami de Baudelaire. À partir de l’analyse de ce livre, publié en 1987, j’explore l’acte d’écrire la vie d’un homme de lettres qui n’a – en apparence – pas grand-chose d’autre à montrer que sa singularité et le fait qu’il ait connu des personnalités marquantes du monde des lettres parisien du XIXe siècle. Son auteur, Sylvain-Christian David, raconte la vie de ce personnage d’une manière inédite. Je me suis penché dans mon essai sur l’étude des procédés utilisés (tels le rapport aux sources, l’ambivalence du contrat de lecture, ainsi que le ton ironique de certains passages) dans cette biographie afin de comprendre comment un sujet aussi particulier que Boyer peut influencer l’écriture d’un ouvrage aux codes aussi rigides que ceux du genre biographique. Quelles sont les conditions qui autorisent le récit biographique à revendiquer, malgré ces décalages, sa scientificité ? Ma création est le reflet de ces réflexions. Je pousse dans celle-ci le récit de Philoxène Boyer du côté de la fiction, tout en lui conservant des caractéristiques qui sont celles du genre biographique dans sa tradition référentielle.Item Accès libre La Volonté du roi Krogold et La Légende du roi René de L.-F. Céline : une réécriture de la légendeGendron-Turcotte, Philippe; Wesley, Bernabé (2025-03)Ce mémoire propose d’analyser les particularités formelles de La Volonté du roi Krogold et de La Légende du roi René, les deux manuscrits inachevés d’une légende écrite par Louis-Ferdinand Céline dans les années 1930, ainsi que les modalités narratives de leurs évocations diverses dans la prose du romancier. En plus des manuscrits inédits de cette légende célinienne, le corpus de ce travail se compose des romans qui citent ce projet littéraire perdu, soit Féerie pour une autre fois et D’un château l’autre, et de tous les autres qui l’évoquent par fragments, à savoir Mort à crédit, Guerre et Londres. La première partie de cette étude, qui correspond aux deux premiers chapitres, cherche à comprendre à partir d’intertextes variés le caractère polymorphe et composite de la légende célinienne. Le travail inventorie les formes littéraires désuètes que les manuscrits reconfigurent, comme la chanson de geste, le cycle arthurien, la poésie lyrique et le roman courtois. À l’aide de la notion d’horizon d’attente de Jauss, nous cherchons à comprendre comment Céline reconstruit un imaginaire médiéval au sein des textes et à déterminer leur véritable identité générique. En mobilisant des outils d’analyse issus de travaux narratologiques, la partie subséquente du mémoire examine les modalités narratives (autoréférentielles, métadiégétiques et métaleptiques) qui gouvernent les apparitions singulières de la légende du roi Krogold dans les autres romans de Céline. La dernière partie de cette étude approfondit enfin l’hypothèse qui postule que la légende célinienne, plutôt que de correspondre à la reprise d’un Moyen Âge idéalisé, reproduit dans un contrechamp légendaire et imaginaire des motifs textuels liés à l’engagement de l’auteur lors de la Première Guerre mondiale. À partir d’une perspective sociocritique, et plus particulièrement du concept de sociogramme (Duchet), ce chapitre décrit comment les textes actualisent des représentations et des motifs communs dans les écrits guerriers, tout en interrogeant le rapport étroit qu’ils entretiennent avec la mémoire collective. Il s’agit, en somme, d’évaluer la portée critique des discours sur la Grande Guerre que les manuscrits inédits reconduisent.Item Accès libre De soi et des autres : entrelacs de l’intime et du collectif dans les écritures de soi contemporainesLefebvre-Côté, Béatrice; Oberhuber, Andrea; Gefen, Alexandre (2024-08)Qu’ont en commun la mémoire collective, les premières personnes du singulier et du pluriel, et les récits de fin de vie et de deuil ? Ces trois items au caractère disparate constituent des sources privilégiées d’entrelacement de l’intimité à la collectivité, car ils servent autant à faire dialoguer des rapports intime et collectif au passé, qu’à exprimer la présence du collectif en soi et à retrouver des relations menacées de disparition. Les enjeux de mémoire, de voix narratives et de filiations endeuillées représentent le cœur de cette thèse consacrée aux tensions de l’intime et du collectif au sein d’écritures de soi françaises, de 1964 avec Une mort très douce de Simone de Beauvoir à 2022 avec V13 d’Emmanuel Carrère. À ces deux récits de nature autobiographique s’ajoutent les œuvres de François Bon, d’Annie Ernaux, de Lydia Flem, de Georges Perec et de Mathieu Riboulet. Grâce à des approches poétiques, énonciatives et thématiques, cette thèse postule une recherche de communauté au sein des écritures de soi, qui abolit la contradiction apparente entre une écriture en solitaire et un appel à une communauté élargie. Au terme de l’enquête, les écritures de soi contemporaines se montrent non seulement en recherche d’une communauté, mais se révèlent capables d’en créer par le récit, en (re)traçant des liens qui n’auraient pas ou plus existé sans leur secours. Des écritures de soi génératrices de relations, telle est l’une des réponses que la littérature contemporaine peut offrir en réponse aux mémoires troublées du XXe siècle et aux événements traumatiques du début du XXIe siècle.Item Accès libre La représentation de l’amnésie dans Piège pour Cendrillon et La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil de Sébastien JaprisotSt-Germain, Camille; Wesley, Bernabé (2025-03)This study is based on Sébastien Japrisot’s novels Piège pour Cendrillon and La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil. From a sociocritical perspective, this thesis studies the representations of pathological amnesia as well as its effects on the diegesis, the characters, the novel genre and on the sociality of the texts. More specifically, it will illustrate how it refers to the collective amnesia of France at the time of the Trente Glorieuses. First, the detective genre will be presented to show how pathological amnesia causes disruptions in the structure of Sébastien Japrisot’s novels, which divert certain rules of the conventional detective story. The presence of elements specific to the tale of Cinderella will also be addressed to deepen the question of the novelistic ambivalence within the works under study. The characters’ memory problems are then studied to confirm the hypothesis of the thesis, which states that pathological amnesia is, in the two novels under study, at the origin of a writing that reconfigures the genre of the detective novel and crystallizes a questioning on the representation of collective amnesia. It will be a question of analyzing how the main characters and the universe in which they interact reflect France in the post-war era, which wishes to both forget and remember. Finally, the effects of pathological amnesia on the text will be studied, to show how forgetting makes the text polyphonic.Item Embargo « L’idiot délibéré, ou d’une littérature prise en son sens littéral chez Beckett » ; Précédé de Les DétracteursDomingue , Léo; Mavrikakis, Catherine; Vitali-Rosati , Marcello (2024-09)Pas d’histoire. Surtout pas, s’est obligé Sol. Il faut changer la vie : donc de façon de s’y rapporter. Certes, Sol est un rêveur, disent ceux qui le voudraient plus terre-à-terre (les soi- disant réalistes). Ceux qui le voudraient à ras-les-pâquerettes… Sans espoir. Sans rien pour s’élever au-dessus de la destruction, de cette société du dépit, des malheurs répétés de guerres en pandémie. Rien pour décoller ses yeux de l’écran ni son derrière du canapé. De la boîte où l’on a rangé la vie, prête à s’expédier dans la mort tant elle est triste ainsi. Rien pour s’élever sinon à la manière des détracteurs : avec estime pour la hiérarchie, passion pour la compétition, appétit pour la prédation. Et comment ferait-il autrement ? La loi de nature impose à ce qui est fait le plus de continuer de se faire, par inertie. Non, lui n’est pas différent, lui aussi chasse l’ennemi. Et se prend au piège conséquemment… Oui, terre-à-terre, Sol l’est peut-être bien plus qu’on ne le croit. Tant il n’a de cesse de rabaisser ses propres aspirations. Tant, de désirs en indignations, ses rêves et ses idées se cognent à ce qui leur est contraire. Tant, tout, ici, finit par être contredit. Aussi n’appellera-t-on pas ça une progression (n’en déplaise à Hegel) ; peut-être seulement un dépassement (par crédulité nietzschéenne). Pas plus que l’on attendra de Sol de palpitantes histoires. Seulement qu’il tâche de ne pas se faire avaler par celle qui, qu’importe ce que l’on en dit, continue pour le meilleur et pour le pire. Les Détracteurs est un roman essayistique de cinq chapitres, commençant par « Ça » et finissant par « Elles », en passant par « Lui », « Tous », et « Eux » : on n’y trouvera d’autre progression que l’extension du domaine de la subjectivité du protagoniste – dont le narrateur se joue comme s’il n’était autre que lui-même, et le premier de ses détracteurs…Item Accès libre La représentation de l’inceste dans les tragédies françaises de la seconde moitié du XVIIe sièclede la Durantaye, Chloé; Bovet, Jeanne (2022-01)Ce mémoire porte sur la représentation de l’inceste mère-fils dans les tragédies françaises de la deuxième moitié du XVIIe siècle. À partir de l’analyse rhétorique et poétique des reprises des mythes d’Œdipe et de Phèdre, il explore les modalités de représentation d’un crime qui heurte les principes moraux et esthétiques du classicisme, principalement la vraisemblance et la bienséance. Le premier chapitre s’intéresse aux justifications du choix d’un tel sujet, à savoir le respect des principes aristotéliciens et la caution de l’Histoire ou de la Fable reçue. Le deuxième chapitre expose le problème de la responsabilité des personnages à travers le choix des preuves et leur modulation. Finalement, le chapitre trois montre comment la structure et la langue des pièces contribuent à mettre en forme, de façon étonnamment ouverte, une réalité dont l’existence sociale est pourtant condamnée.Item Accès libre Les débordements de la sollicitude et du soin dans L’Ombre de l’amour de Marcelle TinayreBouchard-Lussier, Juliette; Oberhuber, Andrea (2024-08)Dans ce mémoire qui se veut une contribution au rayonnement des éthiques du care dans les études littéraires, il s’agira d’explorer ce que peut apporter la prise en compte du concept de care et ses théorisations à la relecture d’une œuvre du début du XXe siècle. Suivant le postulat de Marjolaine Deschênes selon lequel il existerait des « littératures care » permettant de faire entendre des voix historiquement infériorisées et effacées, nous proposons d’étudier L’Ombre de l’amour (1909) de Marcelle Tinayre, un roman qui se penche sur les existences a priori triviales de deux villageoises du Limousin – Denise et Fortunade – qui endossent le rôle traditionnellement féminin de caregiver auprès de personnages masculins – Jean, atteint de tuberculose, et Martial, blessé à la suite d’un accident. Nous démontrerons que le récit, en réinvestissant l’association stéréotypée entre les femmes et le care, souligne les débordements que peuvent engendrer la sollicitude et le soin. Après avoir étudié les influences (la domination patriarcale et le catholicisme) qui sous-tendent les principes moraux auxquels adhèrent les protagonistes, nous envisagerons l’attachement et l’érotisation comme des perversions possibles du care. Nous verrons que le dévouement au bien être d’autrui, lorsqu’il se fait au détriment du souci de soi, peut conduire à la violence et la mort. L’œuvre de Tinayre permet alors d’envisager la puissance du sacrifice (de soi) dans ses rapports au care. Dans cette perspective, le suicide de Fortunade apparaît comme un paradoxal geste de libération et de self-care duquel émerge un care post-mortem qui se présente comme une tentative de réparation symbolique.Item Embargo Nulle suite ni ondée du regard ; suivi de Mort, mémoire et instauration : poétique de la récurrence dans Pendant que Perceval tombait de Tania LanglaisFiore Laroche, David; DesRochers, Jean-Simon (2023-12)Le volet création de ce mémoire présente un recueil de poésie en vers libres intitulé Nulle suite ni ondée du regard. La mort du père et son long séjour à l’hôpital en sont le sujet. Les thèmes du deuil, de la santé mentale et de l’hérédité y sont développés. En s’adressant sporadiquement au lecteur, les vers dévoilent peu à peu la relation père-fils. À travers l’onde de choc de la perte, diverses reliques du passé marquent une filiation malmenée. La forme condensée des poèmes exprime la douleur de manière fragmentaire. Sans faire preuve d’intertextualité, l’objet d’étude de l’essai montre une temporalité éclatée. Une constatation vient marquer le cours du recueil : l’existence du père perdure dans la mort. Par la paraphrase et l’immanence de la mémoire, la voix du défunt donne un effet de présence. L’énonciation offre une autre manière d’entrer en contact avec le monde : faire le deuil d’un parent n’y est en rien une finalité. Les trois parties qui composent la création évoquent la traversée de différentes étapes du deuil. La première, « Pour commencer la pluie », décrit le séjour à l’hôpital et l’impuissance face au drame à venir. « Je deviens là où il fait bon mourir », la deuxième, évoque l’acceptation et l’existence réifiée du père. La dernière, « Mais au sous-sol tout allait bien », prend la forme d’un examen de la mémoire par l’évocation de souvenirs familiaux. Le volet essai enquête sur le deuil dans Pendant que Perceval tombait. Ce livre de poèmes de Tania Langlais retrace les derniers instants de la vie de Virginia Woolf. L’énonciation rejoue sans cesse la mort de Perceval et le suicide de son écrivaine. Une structure anaphorique marque alors le fond et la forme. Plusieurs questions surgissent. Pourquoi la mort d’un personnage de roman a-t-elle une si grande importance? Comment l’énonciation lie-t-elle les trajectoires de Perceval et de Woolf? Quel rôle joue la répétition dans l’architecture et dans la raison d’être du texte? Pour y répondre, l’essai propose une réflexion sur les rapports entre deuil et écriture. Le postulat de départ est que le deuil agit comme un savoir situé, c’est-à-dire comme une perspective particulière qui transforme la pratique d’écriture. L’enquête permet d’identifier des biais d’interprétation afin de s’en éloigner. Pendant que Perceval tombait montre une très forte intertextualité avec les textes de Woolf ainsi que des éléments biographiques. Plus qu’une intertextualité suggestive, l’essai propose que le livre de Langlais offre à lire une réécriture à portée instaurative. La recherche critique sur l’œuvre de Woolf indique que Perceval agit dans Les vagues comme une « présence invisible ». Cet axe insiste sur l’écriture traumatique et la présence inhérente de la mère dans le texte de Woolf. La focale de l’essai est alors mise sur la portée symbolique du personnage chez Langlais, ainsi que sur le deuil, lien parent entre Perceval et Woolf. L’énonciation poétique développe une série de boucles anaphoriques qui rejouent sans cesse l’instant de la mort. La répétition est examinée sous diverses assises théoriques : la pratique d’écriture, la portée instaurative de la création et l’exercice juste de la mémoire. Les constituants stylistiques et symboliques de Pendant que Perceval tombait portent des caractéristiques de l’écriture du deuil, ce qui n’est pas a priori le sujet du livre de Langlais.Item Accès libre Carnet d’Apparitions ; suivi de L’Être mystique chez Jeanne des Anges : figures de soi et figures de l’autreBoudret, Frédérique; Sribnai, Judith; Legendre, Claire (2024-08)Fragments, arrêts sur image, flashs et autant de planches anatomiques d’un je éphémère qui cherche la fixité dans les manqués du passé, dans les possibles du présent et dans l’incertitude de l’avenir, Carnet d’Apparitions explore les recoins de l’intimité et du corps, ces lieux mouvants et hésitants entre la lucidité, l’onirisme, la douceur et la cruauté. Des lieux où la peau parfois s’écaille, se fait carapace puis devient un masque qui s’enfile comme une seconde peau. Comme un assemblage de morceaux de soi, Carnet d’Apparitions questionne ce je qui tente de s’édifier et de s’articuler alors qu’il est constamment mangé et en digestion de l’autre, de son regard, de ses mots, de son jugement et des hérédités qu’il n’a pas choisies. Je cherche aussi à s’exprimer singulièrement, à s’émanciper de cette image qu’il donne de lui. Mais toujours visible dans le coin de son œil, alors qu’il se regarde à travers différents prismes, l’ombre de la mort —prête à l’avaler, à le faire soi et autre. À travers ces apparitions, je se quitte, se cherche, je meurt et revit en même temps, tout à la fois. Dans son autobiographie, Jeanne des Anges revient sur l'affaire des possessions de Loudun dont elle fut, en 1632, la principale victime. Le statut de possédée qui fut le sien à l'époque ne lui offrait qu'un rôle secondaire : celui d'un corps inquiétant, manipulé par le Diable, constamment observé par le public, les médecins et les juges. Malgré les nombreux écrits rapportant cette « crise diabolique », la sœur a peu eu la chance de témoigner de sa vérité et de son expérience auprès du public. L’Autobiographie, après coup, lui permet de raconter son histoire, de modifier des faits portant sur l’affaire tout en (re)prenant les masques et les rôles des personnages clés de l’affaire qui lui permettent d'imposer et de légitimer sa voix d'autrice et de metteure en scène. Les dimensions judicaire et théâtrale réinvesties dans la narration délivrent des accès à son intériorité et au combat intérieur qui se joue derrière la scène publique. Le lecteur de l’Autobiographie se fait ainsi témoin, juge et spectateur d’une nouvelle affaire, d’une représentation de soi dans laquelle la sœur tente d'associer singularité et réciprocité constante à l'autre : car chez Jeanne des Anges, l’altérité se fait soi et soi se reflète toujours dans le regard de l’autre. Elle a besoin de lui, d’eux, afin de renverser son statut d'actrice passive en celui de narratrice-sainte légitimeItem Accès libre La figure de l’auteur et ses doubles dans Les Chevaliers de la Table ronde et Renaud et Armide de Jean CocteauBlanchard, Adèle; Bovet, Jeanne (2024-06)Le théâtre de Jean Cocteau est dominé par le thème de l’illusion. Dans Les Chevaliers de la Table ronde (1937) et Renaud et Armide (1943), ce thème est illustré par les pouvoirs surnaturels de l’enchanteur Merlin et de l’enchanteresse Armide. Le présent mémoire cherche à montrer comment, dans ces deux pièces d’inspiration médiévale, le recours à ces figures légendaires éclaire de manière originale l’ethos auctorial de Cocteau. Dans leurs éthê de magiciens, Merlin et Armide apparaissent en effet comme des doubles du dramaturge. Comme lui, ils utilisent l’art de l’illusion pour ensorceler leur public, influencer et contrôler l’intrigue et ainsi parvenir à leurs fins. Mais leur échec les confronte aux limites de leurs capacités. L’analyse de l’ethos de Merlin et d’Armide met en relief une vision complexe de la création, où l’art théâtral, associé au maléfice, est finalement dominé par la poésie, associée au bien. Ainsi, au-delà du thème de l’illusion, ces personnages d’enchanteurs permettent d’éclairer la signification métadiscursive de la figure du double chez Cocteau. Leur étude fait émerger un reflet inédit de Jean Cocteau qui contribue à l’élaboration de son ethos discursif.Item Accès libre Celui qui ne s’accompagnait pas ; lettres à Mathieu BénézetBelouchi, Younes; Mavrikakis, Catherine (2024-06)Le présent mémoire sous forme d’envois étudie les relations ambivalentes qu’entretient le destinateur de l’œuvre de Mathieu Bénézet avec ses destinataires. Vous pourriez le lire comme l’infini ressassement d’un constat définitif : « Mathieu Bénézet n’existe pas ». À vrai dire, l’auteur n’existe plus : son décès date du 12 juillet 2013. Or ce même constat précède et déborde ledit décès. C’est que Bénézet, né à Perpignan, en février 1946, génie d’une œuvre littéraire multiforme, influence majeure de la poésie française contemporaine, fait partie de ces lettrés pour qui s’occuper de la littérature, répond d’une non-existence personnelle. Cette dernière situe le sujet de ce mémoire : entre l’écriture biographique, le geste analytique, les réflexions esthétiques et philosophique, l’exploration rhétorique et métaphorique de la lettre d’amour, l’histoire de la poésie, de la vérité, de la représentation, etc. Tout tourne autour d’un nom, de l’impossibilité de sa signature comme de l’attestation de sa présence. Signataires et destinataires se confondent volontiers, changent de noms, d’âges, de langues, de lieux, pour mieux saisir l’essence de la chose qui les lie, sans plus pouvoir la perdre : l’absence du nom.Item Accès libre Une "oeconomie de la langue tout differente de celles d'Europe" : langues de l'autre au prisme de l'imaginaire langagier français dans les récits viatiques du XVIIe siècleSavart, Madeleine; Reguig, Delphine; Sribnai, Judith (2024-06)Cette thèse vise à établir les rapports pluriels que les représentations des langues imaginaires ou étrangères des récits viatiques à la première personne du xviie siècle entretiennent avec l’imaginaire langagier français de la même époque. Que les voyages soient authentiques ou fictifs, la place et les fonctions des représentations des langues autres y sont conséquentes : ce sont à la fois un moyen de nouer une relation avec autrui, un objet de connaissance à maîtriser, un outil de légitimation du récit, un espace de convocation de l’imaginaire langagier français, un creuset des difficultés épistémiques du voyageur. Les langues autres sont tout d’abord un motif central dans les textes, de la rencontre à l’immersion sociale, en passant par le premier contact, l’apprentissage et les échanges suivis. L’intersubjectivité entre les Européens et les habitants locaux est modelée selon les besoins et les attentes du narrateur, manifestant l’existence d’enjeux extratextuels qui informent ces représentations. Les métamorphoses du rapport narratif à la figure d’autrui au gré des textes révèlent la nécessité, pour faire récit, d’articuler l’expérience du voyageur à quelque chose de concevable pour ses lecteurs et lectrices. L’altérité dont les habitants autochtones sont porteurs est souvent condamnée à être évacuée, rapportée à une seule différence, ou circonscrite a minima. Les représentations langagières sont davantage traversées par des références, des modèles et des questionnements qui ont alors cours en Europe. Ces récits de voyage témoignent de la diversité des réflexions philosophiques, mondaines, théologiques, grammaticales en cours, en même temps qu’ils constituent un pôle du débat éloigné des sphères des querelles, qui les met en perspective. Sans chercher à systématiser cet imaginaire langagier, il est possible d’en distinguer plusieurs nœuds : les mythes bibliques, les quêtes de perfection et de régularité, la grammaire latine étendue, la tripartition rhétorique antique, les notions d’éloquence sacrée et de clarté. Convoqué par les narrateurs, ce réseau discursif est cependant bousculé par les représentations des langues autres, qui n’y trouvent pas une place préexistante. Cet infléchissement fragilise le dispositif de la narration à la première personne et manifeste comment discours et usages de l’autre interroge l’imaginaire langagier européen.